1/ Les fonceurs à l’aveuglette : ils ont fait fortune rapidement, certains en milieu rural. Ils achètent tout et partout, construisent des maisons acrobatiques sur les sites les plus improbables, ils ont la satisfaction de vivre » en ville » et se sentent fiers. Certains raffolent des « karaoke » .
2/ Les nostalgiques: ils ont connu Bukavu-la verte, ont grandi à l’ombre des arbres bordant les avenues Mbaki, Hypodrome, Muhumba, route d’Uvira. ils sont amères, se sentent perdus, vivent entre leur travail et leur résidence. Les nostalgiques se rencontrent parfois entre eux en cadre fermé ou lors des fêtes de mariage et partagent leurs desarrois avec un sentiment d’impuissance.
3/ Les dégoutés: ils se recrutent généralement dans le groupe des nostalgiques. Beaucoup ont décidé tout simplement de plier bagage et d’aller s’installer ailleurs, parfois victimes de ragots ou de bundere. Certains n’en pouvaient plus de voir la ville se détériorer et ont choisi d’aller trouver à Goma, à Bujumbura, à Cyangugu ou plus loin des conditions de vie plus saines. Souvent les dégoutés ont les mots les plus durs pour critiquer la ville de leur enfance.
4/ Les déterminés: parmi eux se comptent des jeunes partis étudier à l’étranger et revenus tenter leur chance à la maison, mais aussi des personnes lucides qui ont juste compris que rien de bien se fera si tout le monde s’enfuit ou baisse les bras. Les déterminés ont fait de la prospérité de la ville leur combat. Ils comprennent les défis, les affrontent, créent, innovent, tentent, discutent, proposent des issues. Certains anticipent déjà l’extension de la ville vers Nyantende, Kalambo, Kashusha et y bâtissent des nouveaux quartiers. D’autres ont acquis de l’influence dans les grands hôpitaux, les universités, les initiatives culturelles, l’appareil de l’Etat. Ils sont décidés à se battre courageusement pour sauver ce qui peut encore l’être, ils représentent le dernier espoir de Bukavu-la verte.
Laurent Kasindi